Les 6 et 7 octobre 2012, aux Ateliers du Coq, 29 rue du Coq, 13004 Marseille
Cette exposition fut présentée dans le cadre des POC (Portes Ouvertes Consolat) à Marseille où une cinquantaine de galeries et autres ont ouvert leur portes à la jeune création artistique phocéenne et d'ailleurs. Des yeux, des villes se penchait sur le regard que nous pouvons porter sur la ville en général et ses évolutions : la ville fantôme d'Ensanche de Vallecas à 40 minutes de Madrid, ou comment la spéculation immobilière peut amener à construire une ville pour 100000 habitants et la crise financière ne la peuple que de 10000. Une autre exposition de dessins et diagrammes sur le rapport des Pays-Bas à leur territoire majoritairement plat et en-dessous du niveau de la mer.Une troisième sur la ville fantasmée, patchwork d'éléments architecturaux emblématiques des grandes métropoles mondiales organisées comme une toile sans fin. Puis cette exposition sur le Brésil et plus précisément le quartier de Vidigal à Rio de Janeiro.
L'étape venant après cette exposition est la création d'un livre l'étayant, une hybridation entre mémoire de recherche et roman graphique, avec CD en dernière page de couverture. La recherche universitaire, dans son style académique, à le défaut de ne pas être “attractif” alors que les questions traitées sont souvent d'une importance majeure, concernant tout un chacun. C'est pourtant à ce moment précis que nous pouvons nous permettre d'être subversif, d'aller voir ailleurs, de penser, de montrer les choses autrement et de proposer.
En premier lieu, ce travail sera à destination de l'association des habitants du quartier de Vidigal, qui réfléchit actuellement aux possibilités juridiques d'enrayer une gentrification de leur quartier. Il sera aussi proposé à l'association culturelle Nos do Morro, en place depuis 20 ans à travers des initiations au théâtre, des formations aux métiers du cinéma et s'affichant comme un des acteurs essentiel du quartier. Un autre contact est disponible pour diffuser ce travail au sein de l'université fédérale d'architecture de Rio de Janeiro. Une manière de renvoyer l'ascenseur.
Ceux et celles qui souhaiteraient participer à cette prochaine étape en apportant leur sensibilité musicale sont le bienvenu.
A.H.
8 novembre 2012
Cette exposition est le résultat d’un séjour effectué au Brésil entre janvier et avril 2011.
Le but était de partir à la découverte de ce pays en partant d’un questionnement, d’une intuition. Pays continent imposant, d’une diversité édifiante tous domaines confondus, l’objectif fixé était d’explorer les multiples formes que peuvent prendre une métropole dans ce territoire unissant les fantasmes les plus larges qui soient à travers le monde : beaux brésilien(nes), plages, fêtes, samba, carnaval, favelas, violence, drogue…
Une conviction nourrissait ce voyage : l’architecture concerne tout le monde et pas simplement les architectes. Que nous habitions dans un palais ou un carton, nous sommes tous confrontés à cette abstraction sensible appelée «espace». Au sein des écoles d’architectures, la question des quartiers «informels», de ces «espaces impensées» - pour les pouvoirs publics - est exprimé vaguement bien qu’il s’agisse d’un habitat majoritaire concentrant environ 1 milliards d’habitants de notre planète aujourd’hui.
Durant le mois de mars, une occasion fut offerte par un ami - saudade de você - de pouvoir loger chez lui, au sein de la communauté de Vidigal. « Communauté » plutôt que « favela » car c’est ainsi que les habitants dénomment leurs quartiers. Le terme « favela » est plutôt employé par les gens de l’extérieur. Ce mot ne revêt pas toujours un caractère péjoratif selon la bouche dont il sort. Comme nous pouvons parler de «banlieues» ici-même sans pour autant porter de jugements de valeurs.
Cette exposition essaye de voir la ville, de la penser, de l’imaginer d’une certaine manière. Elle parle d’un constat et propose une hypothèse. Les communautés peuvent-elles être un exemple embryonnaire de quartiers auto-soutenable dans la métropole du 21e siècle ? Cette problématique soulevée se base sur les apports théorique fournis par les territorialiste italiens. Cette question fait plus spécifiquement appel à un livre : Le projet local, Alberto Magnaghi, ed.Mardaga, coll. Architecture + Recherche, Sprimont (Belgique), 2003 (1ere édition en 2000, Turin).
Il s’agit ici d’une première esquisse d’un travail qui sera développé à plus long terme. Le but n’est pas d’apporter des réponses toutes faites mais bien de se poser la question sur cet enjeu que peuvent représenter ces quartiers pour nos villes futures.
Ce travail en cours s'adresse aux habitants de Vidigal en particulier. A vous qui faites de la ville et la vivent, dans ce qu’elle a de plus triste et de plus merveilleux.
RIO
Certainement l’une des villes les plus sensuelles de la planète. La zone sud est riche voir très riche pour certains quartiers comme Leblon, Ipanema, Copacabana, Botafogo… Dans cette métropole de 11 millions d’habitants, plus d’un million vivent aujourd’hui dans des quartiers précaires, dont une grande majorité dans la zone Nord.
Impossible de décrire Rio.
TROPICAL
Sur les hauteurs de Vidigal, une flore extrêmement diverse s’entremêle au milieu des constructions. Bananiers, manguiers, avocatiers et bien autres essences poussent le long des rues en escaliers, hybridant végétal et minéral. Aux portes du parc national de Tijuca, plus grande forêt urbaine du monde avec ses 4000 hectares et ses espèces endémiques, c’est un trésor naturel qui s’offre à la communauté. Ne pouvant s’étaler plus du fait de la protection de ce site et du relief, ces espaces naturels sont néanmoins a portée des habitants qui en prennent soin.
RELEVÉ DE VIDIGAL : DE L’ENTRÉE DU QUARTIER A LA MAISON
UNE VILLE DANS L’URBAIN
Vidigal compte environ 12 800 habitants selon l’Institut Brésilien de Géographie et de Statistiques. Aujourd’hui, comme bon nombre des communautés de Rio, cette « ville dans la ville » a été « récupérée » aux mains des trafiquants par les Unité de Police Pacificatrice (UPP). Véritable quartier se verticalisant, construit en dur - briques, béton - c’est un écosystème urbain fragile avec ses codes, ses normes, ses rythmes de vie, ses échanges divers en interne et en externe qui est mis en péril. L’arrivé des méga-évènements que sont la coupe du monde de 2014 et les jeux olympiques de 2016 opèrent actuellement de profonds bouleversements au sein de la métropole carioca.
Profitant de situations géographiques extrêmement avantageuses dans la zone sud, proche du centre, bénéficiant des plus belles vues, les communautés accueillent de plus en plus de personnes issues de la classe moyenne : des artistes, des artisans, etc, ne pouvant s’installer au centre du fait de la hausse du foncier, impliquant une mutation complexe de ces quartiers. Vers quels développements ? Vidigal a été « pacifié » par les UPP en novembre 2011. En ce moment même, un hôtel de luxe est en cours de construction sur les cimes.
Une situation géographique limitant son expansion, une démographie abordable, une culture endémique en relation avec le reste de la métropole, une alchimie entre végétal et minéral, une activité économique locale, un tissu associatif, une association des habitants de Vidigal - assurant une assise politique - un développement lent sont autant de facteurs en sa faveur pour imaginer ce quartier autrement, comme un début de ville auto-soutenable selon Alberto Magnaghi dans Le projet local.
Au-delà de cette pensée, il est important de préciser que Vidigal est un quartier à part entière. On peut y vivre correctement. On peut aussi y mourir brutalement. Certains vivent, d’autres survivent. Un ami d’enfance peut chercher à vous tuer pour une dénonciation auprès de la police ou autre. Drogue, alcoolisme, maltraitance, tout ça existe, c’est indéniable. Mais on peut y voir une quantité d’autres choses.
Malgré un tissu urbain complexe, organique et finalement très proche de nos villes médiévales européennes, les maisons sont numérotées et répertoriées par des rues - désignant souvent un ensemble de maison - numérotées elles aussi. Le courrier postale arrive ainsi à destination et une adresse permet d’obtenir un travail. Malgré l’état dégradé de certaines maisons, les intérieurs et extérieurs sont maintenus propre par ses habitants, conscient qu’un dépôt d’ordure devant chez soi risque d’amener maladies et indésirables, même si cela ne s’avère parfois pas suffisant. Cependant, la collecte des déchets est effectuée par la municipalité de Rio à différents endroits précis pré-définis par les habitants. Les matériaux pouvant être récupérés sont quant à eux stockés dans une ressourcerie à l’entrée de la communauté.
Avant la pacification par les UPP, les bals funk venaient ponctuer la vie locale, comme des bals populaires. Lieu de rendez-vous des trafiquants enrôlant certains jeunes vulnérables pour qu’ils travaillent avec eux, en tant que guetteurs dans un premier temps. C’est aussi un lieu d’échange, de partage et de fête pour la population, dansant sous la musique funk inventée dans les favela de Rio. Musique locale faisant l’apologie du trafic parfois mais aussi et surtout du corps et de la sexualité affranchis. Dans ces bals, des groupes d’homosexuels ou transsexuels défient certains groupes de jeunes femmes à la danse, décrivant parfois un déhanché bien plus libre que ces dernières. Une liberté du corps.
Avant la pacification par les UPP, le cartel ADA (Amigos Dos Amigos) tenait la communauté en son pouvoir. Pouvoir féodal, édictant ses propres lois pour le maintien d’une certaine paix sociale, ces règles étaient simples et sans équivoque. interdiction de se mêler aux affaires du trafic de près ou de loin, mis à part si nous voulons travailler pour eux. Interdiction de mendier ou de voler au sein de la favela. Les quartiers riches sont faits pour cela. Interdiction formelle de vendre ou de consommer du crack – dérivé de cocaïne de mauvaise facture – drogue extrêmement violente souvent cause de mendicité, de vols et de violence. Entre autre règles d'ordre social, d'organisations et de représentations auprès des pouvoirs publics, outrepasser celles-ci est passible d’expulsion définitive ou de mise à mort.
Nier ces faits violents serait naïf. Mais cela ne constitue pas une spécificité brésilienne. Ces faits existent dans certains quartiers ici-même.
Au fil de leur installation, les habitants de Vidigal ont établi un ensemble de règles sociales régissant la vie de la communauté. Ils ont développé une économie de proximité, un tissu associatif, générant de nouvelles pratiques artistiques, donnant naissance à une culture urbaine particulière, avec ses codes, ses coutumes, ses rythmes de vie. Ils ont organisé les flux d’approvisionnements et d’évacuations de l’eau, de l’électricité, des marchandises, des déchets. Ils ont créé un système de circulation extérieur définit par l’implantation des maisons selon la géographie du territoire. Ils se sont appropriés les rues, les places, les cours qu’ils ont créé. Ils ont fondé une ville avec ses quartiers. Une niche dans la métropole. Une ville dans l’urbain.
En ce moment même, le Morrõ da Providência - première favela établie il y a un siècle à Rio - est en voie d’être protégée par l’Institut de Protection du Patrimoine Historique et Artistique National brésilien et par le Ministère de la Promotion Raciale.
PLAGE DE VIDIGAL
À la fin des années 1960, un édifice de la chaîne hôtelière Sheraton s’est installé sur la plage de Vidigal. Le projet initial voulait privatiser celle-ci au profit de l’hôtel, n’offrant aucun accès à la mer aux habitants voisins.
L’association des habitants du quartier a attenté un procès à la chaîne hôtelière afin que la plage reste publique, procès qu’ils remportèrent. Ce procès gagné est une fierté dont on entend encore parler, représentant un symbole fort du bras de fer opposant population précaire et pouvoir économique en place.
Cette association d’habitant existe encore aujourd’hui. Les débats se concentrent sur les problèmes de gentrification à venir, avec la pacification des favelas de la zone sud de Rio, en prévision de la coupe du monde 2014 et des jeux olympiques de 2016.
Il n’y a qu’un seul accès à la plage, desservi par les bus - privés - et mini-van du groupement de compagnies des communautés de Rocinha et de Vidigal.
LA DAME DE L’ARVRÃO
Quasiment toutes les maisons de Vidigal sont construites selon le même procédé : poteaux-dalle béton, murs briques, toits terrasses et ferraillages apparents protégés par des bouteilles en plastiques en prévision d’une future extension. La maison domino.
Quelques maisons en terre banchée sont parfois présentes. Le processus est souvent le même : la famille économise sur ses revenus – issue souvent d’un travail dans les quartiers riches - et entame des travaux lorsqu’elle le peut. Beaucoup de maisons n’ont aucune finition extérieure mais sont parfois très agréable à l’intérieur.
Carreaux imitation marbre au sol, gaines techniques dissimulées, murs de couleurs, appareils électro-ménagers, salle de bain, sanitaires, cuisine aménagée… La diversité des intérieurs rencontrés témoigne de la pluralité des modes d’habiter et des différentes couches sociales vivant dans le quartier.
Un terrain et une petite maison occupés par son grand-père a toutes les chances de devenir un palais trois générations après. Un processus de construction lent et une fierté pour leurs habitants. Ils ont construit leurs maisons pour abriter leurs familles et subvenir à leurs besoins, sans ou avec peu d’aide de l’État.
Tous ne souhaitent pas rester dans la communauté mais tous ne veulent pas en partir non plus. C’est une ville qu’ils ont pensé et construit eux-mêmes. Détruire l’objet de leurs vies pour les reloger constitue un acte de déracinement extrêmement violent.
La propriétaire de cette maison, le Saint-Georges à l’entrée, habite Vidigal depuis plus de 20 ans. Sa fille fait actuellement des études de droit. Elle a patiemment construit un habitat à la hauteur de ces attentes. Elle habite le quartier de l’Arvrão, sur les cimes. C’est dans ce quartier, sur les cimes de Vidigal, avec une vue plongeante sur les plages de Leblon et d'Ipanema, que se construit un nouvel hôtel de luxe. Soit un an après la pacification de la communauté par les forces armées.
Le carton d'invitation, avec toutes les infos pratiques...
voir aussi : Antropófago
le même week end, à Marseille rue consolat, portes ouvertes au CIRA : http://cira.marseille.free.fr/