Un titre semblable sonne comme une plaisanterie, voire comme une provocation gratuite. Quand je lis ce livre, il y a toujours quelqu'un pour me demander ce que je lis, et qui, en voyant le titre, se met à rire. Le titre de ce livre fait rire. Pourtant, il n'est pas si drôle. J'avais souvent entendu des gens me tenir des discours pour la libération des enfants. J'ai compris en lisant ce livre d'où sortait leur argumentaire. Shulamith Firestone reprend ici quelques travaux historiques (notamment le travail apparemment très polémique de Philippe Ariès, L'enfant et la vie familiale sous l'Ancien Régime (1973), dont les quelques passages que j'ai pu lire sonnent très Foucault, bien que le bouquin d'Ariès soit antérieur de quelques années à Surveiller et Punir, et son auteur plutôt très proche des courants royalistes catholiques), et tente de montrer comment l'enfance telle que nous la connaissons aujourd'hui est une construction relativement récente (il faut reconnaître que les thèses de Philippe Ariès, qui défend l'idée que l'enfance n'existait pas au Moyen Age, ont été largement critiquées depuis).
Par ailleurs, Firestone décrit comment la domination des enfants est toujours corrélée à une domination des femmes. A l'intérieur même de la catégorie “enfance”, les deux genres se distinguent peu à peu - les garçons progressent vers la maturité et l'âge adulte, les filles vers la maternité et la continuation de leur état de domination.
Firestone profite de cet état de fait pour rappeler aux femmes leur lien avec les enfants. Elle ne parle toutefois pas d'un lien naturel, ou d'un quelconque instinct maternel ; au contraire, le lien est social et politique. Les enfants et les femmes sont des alliés dans leur statut de victime de la domination patriarcale. La lutte des femmes ne devra jamais se séparer d'une lutte des enfants puisque, comme le remarque Firestone, les révolutionnaires masculins ont toujours manqué cette question de la place de l'enfant dans la société sans classe.
C'est bien dans la perspective d'une révolution féministe que Firestone écrit ce livre. Mais il ne faudrait surtout pas y voir une ébauche de guerre des sexes. Au contraire. Ce qui se dessine dans la construction de l'enfance, c'est un modèle de domination. Et finalement, les femmes, les populations colonisées, puis les immigrés, et même les pauvres, finiront par être considéré d'une manière ou d'une autre comme des enfants. Si ce livre est un appel à la guerre, c'est à la guerre contre le patriarcat - guerre dans laquelle les hommes ont leur place, aux côtés des femmes et des enfants. L'enfance est un bel imaginaire dans lequel les adultes projettent tout ce qu'ils n'ont pas su devenir. Mais c'est aussi la prison de celui que l'on considère comme “trop petit pour comprendre”, “pas encore prêt pour y avoir droit”, quel que soit son âge. Les femmes et les enfants d'abord ? Et oui ; on les a entretenus dans un tel état de faiblesse (appelée “douceur”) qu'ils ne survivraient pas sans la galanterie…
Le livre en pdf : firestone.pdf
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